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[Les vies humaines] sont composées comme une partition musicale. L'homme, guidé par le sens de la beauté, transforme l'évènement fortuit (une musique de Beethoven, une mort dans une gare) en un motif qui va ensuite s'inscrire dans la partition de sa vie. Il y reviendra, le répètera, le modifiera, le développera comme fait le compositeur avec le thème de sa sonate. Anna [Karénine] aurait pu mettre fin à ses jours de tout autre manière. Mais le motif de la gare et de la mort, ce motif inoubliable associé à la naissance de l'amour, l'attirait à l'instant du désespoir par sa sombre beauté. L'homme, à son insu, compose sa vie d'après les lois de la beauté jusque dans les instants du plus profond désespoir.

 

Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être