Dimanche 13 janvier 2008 à 16:27

J'accroche des bouts de moi un peu partout. Sur des sons. Des odeurs. Des paroles. Des objets. Je multiplie les liens qui me retiennent à la vie, repoussant l'idée de partir un jour, même si je pense peu à la mort en ce moment. Des musiques, des parfums me rendent des souvenirs, des instants heureux, un sentiment de bien-être mêlé d'une légère tristesse. Ces souvenirs, pour la plupart, se rapportent aux trois ou quatre dernières années, ma vie sociale étant moins drôle avant cela... Je ne me sens ni bien ni mal. J'alterne moments d'euphorie  et moments de vide. Je me sens un peu perdue lorsque je pense à mon futur proche, dans quelques mois, mais je ne parviens pas à prendre une décision définitive. De cette décision pourrait dépendre ma situation dans plusieurs années ; or, qui sait ce que je serai à ce moment-là ? Quelles seront mes envies, mes ambitions ? Qui sait si je serai même encore en vie ? Je suis incapable de prévoir des choses sur un si long terme. Demain est un autre jour. En attendant, la quantité étrangement insignifiante de mes devoirs, pour une terminale, flatte ma tendance naturelle à prendre du bon temps. Même si les prochaines semaines seront probablement moins drôles. Je lis des bouquins en Anglais, le bouquin sur mes genoux, le dico à côté. Des histoires de vampires et de loups-garous.  Je m'enveloppe dans une grande écharpe bleue. J'écoute de la musique. Je fais des rêves bizarres. Il faudra que je révise mes exponentielles tout à l'heure, parce que je suis une des rares littéraires à avoir encore des maths... Il faudrait aussi que je m'inscrive au code, un jour.  Et que je commence mon dossier pour l'option facultative théâtre, mais pas maintenant, j'attends la réunion d'information pour que l'on m'explique ce que l'on est censé faire. J'ai envie de manger de la galette à la frangipane, mais je devrai attendre les courses. On m'a dit l'autre fois que Dumbledore préférait les hommes, information qui, je dois dire, a changé ma vision de l'existence.



Samedi 5 janvier 2008 à 1:57

Nous étions nombreux dans ce rêve. Se déroulait-il dans un château, une résidence, un village ? Il me semble que nous vivions tous ensemble. J'avais reçu (mais de qui donc ?) un objet, une pierre bleue, je crois. Etait-elle magique ou n'était-elle qu'un symbole ? Le symbole de la mission que je portais, de mon appartenance à la catégorie des hors-la-loi ; la preuve de ma culpabilité, celle qui causerait ma perte si on la trouvait en ma possession. Cet objet dans ma poche : un premier pas vers l'interdit. Bien que je n'en saisisse pas immédiatement la signification, le simple fait de le détenir posait sur mes épaules la charge écrasante de la faute. Certains évènements surviennent ; le pouvoir de la pierre s'est-il exercé sans que je le veuille ? On m'accuse d'en être responsable ; on m'accuse de détenir cet objet. Je ne comprends pas : je ne sais ce qu'il m'arrive, je ne sais ce qu'est cet objet. Un homme important (un doyen, le maire, le châtelain ?) fait taire mes détracteurs d'un geste de la main. Il bénéficie du respect, du prestige que lui confèrent ses cheveux gris et son autorité calme. Il s'adresse à moi d'une voix douce : suis-je fautive ? Il ne semble pas le croire toutefois. Devant ma surprise, mon incompréhension, il s'adresse aux autres : elle est innocente, vous le voyez bien ; elle ne sait même pas de quoi nous parlons.

Un saut dans le temps. À présent, je sais. Je sais quel est cet objet, sa signification, son utilisation. J'enfreins sciemment la loi pour mener à bien la mission dont j'ai été investie à l'instant ou cet objet est entré en ma possession. Mon innocence n'est plus, ma culpabilité déjà ébauchée est à présent complète, je suis entrée dans la faute jusqu'au cou ; mais il le fallait. Je fais quelque chose de bien. J'ai peur qu'on me découvre. On m'incrimine à nouveau, avec plus de conviction. Y a-t-il des preuves contre moi ? Je ne sais plus ; je le crois. Cette fois je sais quelles sont les accusations portées contre moi, je sais qu'elles sont fondées. Je sais que c'est moi qu'ils cherchent, je sais que je suis en danger. Le doyen s'adresse à nouveau à moi, déçu sans doute ; d'un ton grave, un peu incrédule, il me demande des explications. Mon coeur palpite, mes mains tremblent ; je tente de contrefaire l'expression de surprise innocente qui m'avait si bien sauvée la première fois. Mes muscles tendus m'obéissent à peine et je ne parviens qu'à afficher un masque peu convaincant. Plus de douceur à présent sur le visage du doyen : ses traits durs, accusateurs, irradient d'une colère froide. Je suis une piètre comédienne, il a compris, je suis perdue.
« C'est elle. »
Oui, c'est moi. C'est moi qu'ils cherchaient, c'est moi qu'ils doivent neutraliser, c'est moi qui ai bravé leurs règles. Ce que j'ai fait est grave, je suis en danger. Je suis hors-la-loi et cette responsabilité est écrasante : les mots “Je suis coupable”, gravés dans ma chair, sont à présent visibles à chacun. Je n'ai pas de remords car je sais que j'avais raison d'agir ainsi. Mon seul regret est d'avoir échoué, de m'être faite prendre. Et j'ai peur, car je ne vois pas d'issue.



C'était tellement vrai. Même si je n'ai rien compris. Ce rêve tourne et retourne dans mon esprit depuis deux jours, car il est différent des autres : au lieu d'être une succession d'images sans queue ni tête, il m'a procuré des sentiments si réalistes que j'ai l'impression de les avoir déjà vécus. Mais, honnêtement, je ne vois pas quand.

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