Je suis en pleine crise d’orientation... Après une hypokhâgne, la suite logique serait la khâgne. Mais pour quoi faire ? Pour tenter un concours que je n’aurai probablement pas (le taux de réussite étant très faible, et moi n’étant pas parmi les meilleurs) et qui ne m’intéresse pas tant que ça, puisque même si c’est super classe d’être payée pour faire ses études et de pouvoir dire « Je suis normalienne... », je ne tiens pas absolument à devenir prof ? Pour être encore surbookée un an de plus, ne pas avoir le temps de rêver, d’écrire pour soi-même ? Je me sens toute desséchée, je ne crée rien.
Ne croyez pas que j’aie mal vécu l’hypokhâgne : malgré ma paresse, je me suis plus ou moins adaptée ; et puis, cette année m’a apporté beaucoup, m’a enrichie, fait mûrir sur certains plans. J’ai appris des choses dans diverses disciplines, j’ai approfondi ma réflexion, j’ai testé mes limites, j’ai rencontré des gens biens, j’ai même rigolé.
Et là, je me rends compte que je parle comme si l’année était finie... Ce que j’en dis, bien sûr, est ce qui se dégage de ces presque six mois.
Toujours est-il que je ne dois pas attendre la fin de l’année pour faire des choix : il faut remplir des dossiers, notamment celui du CROUS si je veux avoir une bourse l’an prochain (pour les inscriptions c’est moins grave, puisque soit je continue en khâgne et on ne se réinscrit pas tout de suite -en fait je ne sais pas trop comment ça marche-, soit je vais en fac et les inscriptions restent ouvertes longtemps).
Reprenons : je peux courir après une improbable admission à l’ENS et me retrouver sans rien, parce que, certes, il existe des équivalences à la fac, mais je n’ai pas envie de me spécialiser dans une des matières étudiées en prépa... Même si j’adore la philo et l’Anglais. Je ne saurais pas quoi faire avec une licence de philo et je ne sais pas si j’aurais le niveau. Quant à l’Anglais, je me sens capable de continuer à le pratiquer par moi-même, et j’aimerais surtout apprendre de nouvelles langues. Depuis plusieurs années d’ailleurs. Mais, demanderez-vous, pourquoi n’ai-je pas directement commencé une licence de langues après le bac ? Parce que, oui, j’aime pratiquer les langues (bien que je n’en connaisse que deux en dehors de ma langue maternelle), je suis toujours fascinée et attirée par les langues que je ne connais pas, mais je n’étais pas sûre de vouloir en faire mon métier. J’ai tendance à penser que traducteur, ça se fait plutôt à une table de travail, et j’aimerais bouger. Ceci dit, j’aime traduire... Je ne savais donc pas quoi faire quand j’ai passé mon bac, certaines personnes m’ont incitée à poser ma candidature en prépa, j’ai refusé au début car ça me faisait peur, puis je me suis dit que ça me donnerait de la culture générale, un an de plus pour réfléchir et peut-être des débouchés si j’avais une idée géniale d’ici-là. Mais ce choix a repoussé ce fameux apprentissage de langues.
C’est formidable ! Je viens de m’apercevoir que je veux faire des langues. Je veux dire, cet intérêt n’est pas nouveau, mais j’avais peut-être l’impression que j’aurais des occasions d’apprendre par moi-même, un peu plus tard, ou bien que ce n’était pas si important. Et là, aujourd’hui, il y a très peu de choses dont je suis sûre dans la vie, mais celle-là m’apparaît enfin clairement : je veux vraiment faire des langues. Ça fait du bien d’apercevoir une chose de façon si limpide, je crois que c’est bien la première fois que ça m’arrive.
Maintenant, la question est : comment réaliser cette envie en joignant l’utile à l’agréable ? Au cours d’une petite recherche sur Internet, j’ai découvert que je pouvais intégrer en fin d’hypokhâgne ou en fin de khâgne (mais c’était aussi possible après le bac...) l’ISIT, l’institut de management et de communication interculturels (oui, ça ne colle pas avec les initiales... Ils ont changé de nom, ils s’appelaient avant -je crois- Institut Supérieur d’Interprétariat et Traduction). Je ne suis pas sûre de pouvoir y étudier les langues de mon choix, je dois donc me renseigner, mais cela mène aussi bien à la traduction qu’à l’organisation d’échanges culturels entre pays. Si je décide d’y entrer, je peux le faire dès l’an prochain ou bien après la khâgne, auquel cas je tente en passant (au cas où) l’ENS, parce qu’il paraît que là-bas aussi on peut faire des langues (et pas seulement les « grands classiques » comme Anglais, Espagnol...)
Si les renseignements que je prends sur l’ISIT et l’ENS ne me satisfont pas, je n’ai aucune raison d’aller en khâgne. Même pour la culture générale, car si celle-ci est bien présente, l’année de khâgne est plus « concours » et moins « découverte » que l’hypokhâgne ! D’ailleurs, même si j’aime l’hypokhâgne, j’ai aussi l’impression de passer à côté de certaines choses de la vie, parfois.
Si je vais à la fac, que faire ? J’hésite à prendre uniquement des langues (toujours la crainte d’être une traductrice coincée derrière mon bureau). L’ethnologie, ça semble intéressant, mais je ne sais pas dans quelle mesure on peut mener à bien une double licence ethnologie-LLCE.
En fait, je n’arrive pas à faire des choix. Dans la plupart des situations, même les plus anodines, je doute et je peine à décider. Ce qui est beau, c’est d’envisager l’avenir en voyant s’ouvrir à soi des options infinies, s’imaginer que tout est encore possible. Tel projet, tel voyage, telle activité, tel engagement, tel mode de vie semblent plausibles. Ma vie ne fait que commencer, je peux encore la rêver. Je voyage inlassablement sur les ramifications sans fin de mes divagations. Mais lorsqu’il s’agit de choisir, il faut éliminer, restreindre, et ça fait mal. Il faut pourtant passer par là pour concrétiser certains rêves (au détriment d’autres) et ne pas rester passif. Mais c’est dur à accepter.
[Image : Rob Gonsalves. Ça faisait longtemps, mais je le trouve toujours aussi génial.]