Lorsque j'essaie de me forcer à travailler, je ne peux pas me concentrer. Tout en moi se révolte contre ce travail, j'ai beau faire, je ne peux y enchaîner ma pensée. Je peux rester des heures, je peux rester une journée entière à essayer, mais sans rien faire. Mes pensées s'évadent sans relâche, insaisissables, impossibles à fixer sur la feuille. Sans écrire une ligne. Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas. Comme un cheval qui tire au renard. Il y a de ces nœuds qui, lorsqu'on tire, se resserrent davantage : je suis prisonnière d'un de ceux-là. Plus je rechigne au travail, plus je risque d'en subir les conséquences. Je fais des efforts, pourtant. J'essaie encore, et encore, et encore. Je me répète que puisque je suis ici, je dois jouer le jeu, ne pas accepter de terminer sur un sentiment d'échec. Il serait facile de prendre tout cela à la légère et d'affirmer à la fin que « oh, bien sûr, mes résultats ont été mauvais puisque que je ne travaillais pas... ». Sous-entendu, si je m'étais donné la peine, vous auriez vu. Ce serait même trop facile... Il faut prendre le risque de tenter et donc d'échouer, sinon on ne fait jamais rien dans la vie (décidément, ces temps-ci, je fais de la philo de canapé). Mais d'un autre côté, je n'y crois pas, de une, et de deux je m'en fous un peu de ce concours. Si je me fais violence, c'est plutôt un défi personnel, une tentative de sauvetage de mon ego. Mais une lutte à mort se joue entre ce qui en moi veut le faire et ce qui en moi en a assez, plus qu'assez. Cette partie-là est la plus forte, elle se révolte, ne se plie pas à mes ordres. Je passe plus de temps à me battre contre moi-même qu'à travailler. Je fournis aussi peu de travail que si, en effet, j'avais décidé de ne faire aucun effort, sauf qu'en réalité j'en fais. Gâcher de précieuses heures à ne rien faire, c'est rageant : tant qu'à ne pas travailler, j'aurais aussi bien pu m'amuser. Lorsque je pense au temps où la prépa me plaisait, cela me semble si loin. L'état d'esprit que j'ai mentionné hier s'est souvent révélé un remède efficace : combien de fois ai-je réussi à me remonter le moral toute seule, combien de fois ai-je rappelé tout mon courage, tout mon optimisme ! Joue donc, mon orchestre, la vie est belle avec ou sans prépa ! Mais avec le temps, mes défenses se fissurent. Lorsque mon orchestre joue pour moi, en ce moment, il ne joue pas toujours aussi fort qu'avant, et j'ai l'impression d'être un peu autiste. Je suis enfermée dans une bulle de travail, auto-flagellation psychologique, tentatives d'euphorie artificielle qui compenseraient ce calvaire. La musique et ma folie m'ont souvent aidée, mais connaissent leurs limites. Et personne ne peut m'aider. Je ne travaille pas vraiment, pas comme il faudrait, et pourtant je suis fatiguée. Quoi que je fasse, rien ne change. Au premier concours blanc de géo, je n'ai pas su répondre au sujet et j'ai presque rendu copie blanche, ou plutôt j'ai rédigé une copie double symbolique avec deux ou trois banalités : j'ai eu quatre, bien payé pour ce que c'est. Au deuxième concours blanc, je suis restée la totalité du temps imparti et j'ai rendu un vrai devoir, du moins je le croyais. Aujourd'hui, recevant un mail du prof de philo nous informant qu'il a mis en ligne nos résultats, j'en profite pour regarder aussi la note de géo. 5. À ce compte-là, j'aurais pu faire comme la dernière fois. À quoi ça sert que je fasse des efforts ? À rien. À rien. À rien. Je suis tellement nulle, j'ai souvent envie de laisser tomber puisque ce que je fais est complètement inutile, mais comme je suis maso, je continue. Heureusement, venir déverser ma bile ici, ça me soulage. C'est déjà ça.
Mardi 23 février 2010 à 20:41
Réflexions hautement philosophiques
Par Samedi 22 mai 2010 à 13:04
le Il y avait la fatigue. Il y avait le fait que je n'ai jamais choisi la prépa dans le but d'entrer à l'ENS (qui est plutôt destinée à ceux qui souhaitent devenir enseignants-chercheurs), mais pour le contenu de son enseignement, et parce que je ne savais pas trop où aller. La première année ne m'a vraiment pas déçue, mais j'ai failli ne pas aller en khâgne. Finalement, je me suis réinscrite car on m'a dit que j'avais le niveau et parce que le programme de géographie tombait sur la Turquie, un pays qui m'intéresse (je veux apprendre le Turc l'an prochain). Or, mes amis d'hypokhâgne ont choisi d'arrêter la prépa (et il est bon, pour garder le moral, de conserver des amitiés solides au sein de la prépa). De plus, comme je l'ai dit, le concours ne m'a jamais intéressée plus que cela, même s'il y a des avantages à l'avoir. Ce que j'aimais en hypokhâgne, c'était le fait d'apprendre pour apprendre, librement, en abordant des sujets très variés. En khâgne, il y a des programmes plus restreints, on est obligé de bachoter et j'étais moins satisfaite de mes professeurs dans l'ensemble.
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N'est ce pas de la fatigue physique et intellectuelle?
Ou bien y a t'il une raison plus lointaine d'avenir incertain?
Si ce n'est que de la démotivation passagère cela peut s'arranger.
Comme tu le dit dans ton précédent article, pas facile de rire tous les jours, l'allégresse n'est malheureusement que rarement au rendez vous et encore plus aujourd'hui que jadis, où, en sortant de la guerre, tout était forcément mieux.