Mercredi 29 août 2007 à 15:03

  Le bourgeon qui éclôt, fleurit, s'épanouit, flétrit et devient poussière. Toute forme qui apparaît, disparaît. Tout ce qui naît, meurt, tout ce qui vient s'en va et manifeste ainsi le cela, l'éternel Atma, qui seul demeure.

*

  Un jeune homme pauvre nommé Iruka aimait de toute la folie de son coeur une jeune fille riche, et belle de surcroît. Comme il était lettré, Iruka écrivit à sa bien-aimée une lettre d'amour chaque jour pendant trois longues années, sans faillir une seule fois. La troisième année, il osa lui suggérer de lui faire un signe à l'occasion de la fête du bon*. Mais la bien-aimée ne répondit pas, ne le regarda même pas, et ne lui manifesta jamais le moindre intérêt. Alors le coeur d'Iruka se lassa. Il songea à devenir moine, ce qu'il fit en effet. Et le temps passa...
  Un matin de printemps, il allait chercher de l'eau au puits situé près de son ermitage, quand Iruka rencontra Chujo, pour la première et dernière fois de sa vie. Elle se jeta-à ses pieds :
  - Iruka ! s'écria-t-elle, j'ai cheminé de longs mois avant de te retrouver, enfin je te vois, admirable Iruka ! Ton amour dont mille lettres témoignent a fini par toucher mon coeur.
  En disant ces mots elle dévoila son visage caché jusque-là par un fin voile de soie, et sa beauté était telle qu'elle fit pâlir l'éclat du jour.
  - Je suis à toi, Iruka, je t'aime aujourd'hui, comme tu m'aimais autrefois.
  Iruka lui répondit :
  - Il est trop tard, Chujõ, j'ai rompu tout lien avec cette sorte d'amour. Je suis moine.
  Et sans un regard, il la quitta.
  Chujo, de désespoir, se jeta dans la rivière et s'y noya.
  En apprenant la nouvelle, Iruka composa ce poème :

Elle ne reste pas sur la branche,
la fleur de cerisier,
elle meurt avant l'été

*

Cette histoire est maintenant du passé. Tout ce qui naît, meurt. Tout ce qui vient, s'en va, et ne demeure que l'éternel Atma.

* Le bon est la fête des morts. On nettoie les tombes, on y place mets et boissons pour les défunts. Trois jours après, on brûle les chevaux de paille, et sur leur fumée les âmes s'élèvent pour gagner leur séjour dans l'Au-delà.

[L'amour s'en va, dans Les plus beaux contes zen de Henri Brunel]

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